
La cheffe de l'opposition au Venezuela, Maria Corina Machado, lors d'une manifestation à Caracas, le 9 janvier 2025 ( AFP / Federico PARRA )
Le Nobel de la paix a été attribué vendredi à la cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado, contrainte de vivre cachée dans son pays et qui a dit compter sur l'aide de Donald Trump à qui elle a dédié son prix.
La lauréate de 58 ans a été réveillée en pleine nuit par l'appel du secrétaire du comité Nobel norvégien qui l'a informée, la voix étranglée d'émotion, de son prix.
"Nous travaillons très dur pour y parvenir, mais je suis sûre que nous l'emporterons", a-t-elle dit lors de cet appel filmé.
"Plus que jamais nous comptons sur le président Trump" qui a déployé des bateaux de guerre dans les Caraïbes, a-t-elle ensuite écrit sur X, dédiant son Nobel au peuple vénézuélien et au président américain.
A Washington, où Donald Trump ne faisait pas mystère qu'il convoitait la prestigieuse récompense, le directeur de la communication de la Maison Blanche, Steven Cheung a estimé que le comité Nobel avait fait passer "la politique avant la paix".
Mme Machado "est l'un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine", a souligné le président du comité Nobel norvégien, Jørgen Watne Frydnes.
Entrée en politique au début des années 2000 en militant pour un référendum contre Hugo Chavez, Mme Machado, aujourd'hui considérée comme une ultralibérale pro-Trump, a fait de la chute du régime chaviste la cause de sa vie.
Mère de trois enfants, elle a été empêchée, malgré sa popularité, de se présenter à la présidentielle de 2024, où le sortant Nicolas Maduro a été déclaré vainqueur malgré les protestations de l'opposition.
L'Union européenne, les Etats-Unis et de nombreux autres pays n'ont pas reconnu la victoire de M. Maduro, au pouvoir depuis 2013. Washington estime qu'Edmundo Gonzalez Urrutia, derrière lequel Mme Machado s'est rangée, était le "président élu".
- "Système criminel" -
L'ONU a estimé que ce Nobel reflétait les aspirations des Vénézuéliens à des élections "libres et équitables".

Le président du comité Nobel norvégien, Jorgen Watne Frydnes, montre sur son smartphone une photo de la dirigeante de l'opposition vénézuélienne María Corina Machado, lauréate du prix Nobel de la paix 2025, à l'Institut Nobel norvégien à Oslo, le 10 octobre 2025 ( NTB / Rodrigo Freitas )
Près d'une douzaine d'heures après l'annonce, les autorités vénézuéliennes n'avaient pas réagi.
A New York, Samuel Moncada l'ambassadeur vénézuélien aux Nations Unies a ironisé après une réunion du conseil de sécurité sur son pays : "Je ne connais pas la réaction de mon gouvernement, mais je vais vous dire la mienne (...) J'espérais qu'elle gagne le prix Nobel de physique, parce qu'elle a les mêmes références pour le Nobel de physique que pour le Nobel de la paix".
Magalli Meda, ancienne cheffe de campagne de Mme Machado, assure que ce Nobel est "une profonde blessure à la colonne vertébrale d'un système criminel". Elle a justifié la dédicace à Trump : "ici, la paix s'obtiendra par la force (...) ils ne sont pas prêts à céder le pouvoir".
Selon M. Frydnes, "le Venezuela est passé d'un pays relativement démocratique et prospère à un Etat brutal et autoritaire en proie à une crise humanitaire et économique" où "près de huit millions de personnes ont quitté le pays".
Mme Machado, qui vit dans la clandestinité depuis plus d'un an, refuse de quitter son pays. "L'esprit de liberté ne peut être emprisonné", a commenté la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Emmanuel Macron a salué son "engagement résolu" pour la démocratie.
A Caracas, une retraitée, préférant garder l'anonymat, se félicitait du prix: "Je prie Dieu pour qu'il l'aide. Qu'elle arrive (au pouvoir) pour faire quelque chose pour nous, les humbles".
Technicien, Luis Torres, 65 ans, estimait au contraire que "c'est une honte après tout le mal qu'elle a fait au Venezuela" en référence aux sanctions internationales visant son pays.
Dans un communiqué, Mme Machado a écrit: "A chaque Vénézuélien, ce prix est à toi", évoquant "26 ans de violence et d'humiliation aux mains d'une tyrannie", depuis l'arrivée au pouvoir d'Hugo Chavez en 1999.
"La machine de l'oppression a été brutale et systématique, caractérisée par des détentions, des tortures, des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires qui constituent des crimes contre l'humanité et du terrorisme d'État", a-t-elle ajouté.
- Pas de Nobel pour Trump -
Le prix échappe donc à Donald Trump. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, il martèle qu'il "mérite" le Nobel, revendiquant un rôle dans la résolution de huit guerres, dont celle de Gaza. Une affirmation largement exagérée, selon les observateurs.

Graphique classant les lauréats des Nobels de la paix depuis 1901 en fonction du motif récompensé, selon des catégories réalisées par l'AFP sur la base du texte officiel accompagnant chaque remise de prix ( AFP / Sylvie HUSSON )
Donald Trump "déteste Maduro", a relevé l'historien Asle Sveen, spécialiste du prix Nobel, auprès de l'AFP. "Il bombarde les bateaux de pêche soupçonnés de transporter des stupéfiants. Il aura donc du mal à s'attaquer à ce prix", a-t-il estimé.
L'administration Trump a frappé en mer au moins quatre embarcations présentées comme étant celles de narcotrafiquants. M. Maduro accuse Washington d'utiliser le trafic de drogue comme prétexte "pour imposer un changement de régime" et s'emparer des réserves de pétrole du pays.
Le prix sera remis le 10 décembre à Oslo et l'Institut Nobel enquête si des fuites ont précédé l'attribution, après une soudaine envolée de la cote de Mme Machado chez des bookmakers.
24 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer